Moment d’atelier…

Ouvrir la porte de mon atelier, c’est entrer dans « un entre deux » ou tout est possible. Tout y est en suspens, jusqu’à la respiration qu’il faut apprivoiser. Un accord, un premier arrimage par une musique que je choisis. Musique, chant intérieur qui calme, tempère le flot, l’abondance des formes qui jaillissent de mon esprit quand je prends un pinceau.

Il y a surtout l’incertitude des moments où le faire se décide pour faire advenir le latent perceptible dans un fragment de matière, de formes accrochés à la toile.

La préparation des couleurs, choix des tons, des pinceaux, des médiums participent secrètement à la mise en forme de la main qui accroche, qui appréhende dans ce magma du tout possible ce qui lui semble  évident pour que « cela soit » une fois lancés, cette main je dois l’amadouer, en maîtriser le rythme, la retenir, la faire pensante ou la laisser impétueuse courir, faire et défaire ajouter ou enlever la matière, préciser un contour ou au contraire laisser le «flou » pour faire rebondir le propos là où on ne l’attend pas, vers un ailleurs, toujours plus loin, mais tellement riche de présence, de plénitude...

Voyage dans le temps quand les pigments sont là « veilleurs » prêts à accompagner ces moments o\û avec les galets de notre rivière intérieure, les tons de notre terre lourde de préhistoire j’empoigne ce bout du temps pour faire apparaître des formes essentielles, des bouts d’humanité que nous partageons tous.

Hommage à la terre, au minéral, au végétal, quand avec les bambous, l’encre je fais chanter « l’élément eau » sur le papier, là je rejoins la « suspension » d’un monde rêvé, d’un paysage bien présent. La frontière Terre Ciel, tant contemplée avec mes yeux émerveillés s’ouvre à l’intériorité, pour restituer la respiration d’un monde enchanté. Ce monde où l’homme, quand il est présent, se confond dans un arbre, un nuage, ou une couleur, se fait témoin…

2008